30 ans de SOS VIOL

Allocution de bienvenue

10 décembre 2010

Mesdames, messieurs,

C’est évidemment difficile de fêter les 30 ans d’existence de SOS VIOL car à chaque fois, il y a comme un malaise indécent, un pincement ressenti devant les tragédies individuelles que représente la question du viol pour celles et ceux qui la subissent.

Car un viol c’est la négation de l’autre. Le viol c’est le déni d’une personne. L’impact psychologique et traumatique d’un tel acte produit chez la victime, comme un sentiment d’intrusion physique et psychique insoutenable. La frontière de l’enveloppe corporelle ayant été bafouée, transgressée, l’atteinte de l’intimité de la personne est dès lors inévitable. Il ne s’agit pas seulement d’un manquement au respect du corps de l’autre, c’est aussi un envahissement complet de toute sa personne : perte d’identité, des repères, modification de l’image de soi et de celle de l’autre. La perte de confiance en soi, la difficulté de se repérer comme sujet respecté, peut avoir pour la victime des conséquences dans la perception qu’elle a des autres.Le viol, est un acte terrible qui vient arrêter le déroulement de la vie de celui ou celle qui le subit.

Le viol constitue toujours un tournant dans la vie de la victime car pour celui ou celle qui l’a connu, il y aura toujours un « avant » et un « après »…..

Les viols sont commis dans 75%1 des cas par une personne connue de la victime; 2/3 des viols se passent dans la sphère intrafamiliale.
La majorité des violeurs sont des hommes mais il ne faut pas terrifier les statistiques en présentant tout homme comme un violeur potentiel.

On mentionne souvent qu’aux Etats-Unis, une femme sur 4, serait victime d’un viol ou d’une tentative de viol. Ce chiffre stupéfiant se fonde sur les révélations statistiques du FBI qui consignent savamment toutes les plaintes afin d’avoir une vision éclairée du phénomène.

Mais n’oublions jamais que 3 femmes sur quatre ne seront jamais violées ce qui nous fait dire qu’il est dangereux de faire des amalgames à l’encontre des hommes comme a pu le faire parfois certaines féministes radicales.

Nous devons donc rappeler que la majorité des hommes ne commettront jamais ce crime et que la plupart des hommes se portent au secours des femmes s’ils étaient témoins de ce type d’agression.

Inutile de s’esclaffer donc que tous les hommes sont des violeurs potentiels.
C’est insultant pour les hommes.

Le viol est un acte barbare qui empêche la victime de pouvoir s’exprimer car la gravité du vécu traumatique ressenti par la personne est telle que dans l’acte commis, la personne y a souvent laissé son sentiment d’existence. Ce qui importe pour le violeur, c’est la destruction, la négation, le piétinement, et justement l’absence même de consentement.
Le viol c’est bien un acte sexuel qui s’effectue sans consentement. Il n’était pas anodin pour nous de placer notre anniversaire le jour de la journée des droits de l’homme car le viol est sans conteste le dernier reliquat d’une société patriarcale. Non seulement, les femmes sont anéanties par le viol mais en plus, le déshonneur et l’infamie sont définitivement jetés sur les victimes pourtant non consentantes. La victime se sent coupable, souillée et honteuse de n’avoir pas pu résister. Elle est l’objet du scandale et pour ce viol, elle sera souvent jugée négativement par ses pairs, car sa vertu aura été touchée en plein cœur. On le voit dans les viols orchestrés comme arme de guerre, l’idée est toujours de jeter le discrédit sur les femmes, de souiller un peuple en s’attaquant ainsi à ce qu’il y a de plus précieux, sa descendance.
Ce n’est pas un combat dépassé que de réaffirmer le nécessaire respect et dignité qui accompagne la relation sexuelle un jour comme aujourd’hui.

Mais je ne serai pas sombre en cette journée de commémoration. Nous avons souhaité fêter nos 30 ans car nous avons voulu rappeler le chemin parcouru. SOS VIOL est né dans le contexte féministe des années 1970. A l’époque, des militantes bénévoles dénoncent toute forme de violence faite aux femmes. On est au milieu des années 70, des mouvements de femmes palpitent et se créent un peu partout dans le pays offrant écoute et d’aide à toutes les femmes vivant des difficultés (contraception, avortement, soutien aux femmes violées…). C’est grâce à nos mères et grands-mères militantes féministes qu’en 1977, SOS VIOL est créé et s’installe dans une grande bâtisse appelée «Maison des Femmes» rue Blanche au numéro 29. En 1980, SOS VIOL se constitue en ASBL, avec comme objectif la création d’un service d’aide aux victimes de viol. Entre 1980 et 1993, le travail d’aide aux victimes de viol s’est effectué de manière bénévole. Et puis, le premier poste de psychologue à temps plein est subsidié par l’ORBEm et permet à l’ASBL de prendre son envol en professionnalisant l’offre faite aux victimes.
Fin 93, la Commission communautaire française (COCOF) finance 3 postes de travail reconduits année après année.
En 1998, trois nouveaux postes sont octroyés par l’Orbem et L’équipe s’agrandit et se compose dès lors de 6 travailleurs. Peu après, l’ASBL déménage et quitte la maison des femmes pour s’ouvrir à un public également masculin à la rue de Bordeaux à  Saint- Gilles.
En 2008, l’ASBL  obtient une belle reconnaissance avec son premier agrément par le décret d’aide aux victimes.
Vous le voyez, le travail accompli sur le terrain des violences faites aux femmes par SOS VIOL démontre la nécessité d’aider les victimes à se reconstruire, à dépasser le traumatisme qu’elles ont subi. L’intérêt de notre action est double : à la fois une aide et un accompagnement de qualité des victimes mais aussi un travail soutenu de sensibilisation des acteurs de première ligne. Cette sensibilisation est indispensable pour que chaque acteur qui côtoie les victimes puisse accueillir et orienter de manière adéquate celles-ci vers les services spécialisés.

Voilà que défilent en quelques lignes 30 années d’existence d’un projet que j’ai voulu organiser au Centre Culturel Jacques Franck car je suis à la fois présidente de SOS VIOL mais aussi du Centre qui fait bouillonne la culture à Saint Gilles et je voulais que ces mondes si étrangers pourtant si éloignés traditionnellement puissent se rencontrer et travailler ensemble.

Nous avons voulu faire de cet évènement un doux mélange entre quelques moments de détente notamment avec le concert de ce soir « rue des pêcheries » qui est une belle rencontre musicale cuivre hip hop enrichi de textes qui questionnent la quête de sens mais aussi des moments plus sérieux comme le débat organisé après la projection du film Volver et la conférence de cet après midi dédiée à la contextualisation historique, politico-jurique et psychologique du viol.

Voilà, 30 ans d’expérience à rencontrer, écouter, entendre, suivre, accompagner, aider, entourer les victimes de viols et leurs entourages,

30 ans de questionnements, de débats, de supervisions, d’interversions, de formations, d’informations, et de sensibilisations, pour continuer à professionnaliser notre accompagnement,

30 d’expériences et d’émotions, d’empathie, de vitalité, de coups de cœur et de coups de colère, de créativité, de bonne gestion et d’intelligence pour être toujours la, pour avoir consolider notre savoir faire, 30 ans après.

30 ans de fragilité institutionnelle, d’angoisse à attendre éternellement l’accord pour les financements, de période de doute et de déroute financière, ponctués de bons contacts avec les pouvoirs publics mais aussi parfois quelques hoquets avec certains fonctionnaires trop zélés.

30 ans de combats, de militantisme, de souvenirs, d’anecdotes, de rencontres pour faire parler de la question des agressions sexuelles sans relâche afin que les pouvoirs publics intensifient non seulement leurs soutiens financiers mais aussi le travail à réaliser en amont sur la question de la prévention.

Cette asbl fait tous les jours un travail remarquable, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour dire, au nom du conseil d’administration, combien nous sommes fiers de toutes celles et ceux qui ont porté ce projet durant 30 ans.

Je m’associe donc à mes camarades du conseil d’administration pour rendre un puissant hommage aux travailleuses et travailleurs de SOS VIOL
pour leur professionnalisme, leur intégrité, leur solidité et leur capacité à avoir le souci des autres.Je remercie encore du fond du cœur Fadila Laanan, Emir Kir, Béa Dialo, Anne Vanesse, Benoît Cerexhe, et Charles Picqué pour leur soutien sans faille tout au long de notre histoire et qui ont tous contribué là où ils sont à la réussite de notre projet et de cette journée en particulier.

Je terminerai en vous rappelant que nous bénéficions ensemble, hommes et femmes d’Occident, d’une liberté de mœurs qui reste presque partout ailleurs dans le monde un rêve inaccessible. Il importe de garantir ce maintien des libertés individuelles pourtant si souvent malmenées. C’est bien l’enjeu d’une société démocratique et progressiste : concilier le droit de chacun et chacune de pouvoir jouir du plaisir sans contrainte et sans morale. Comme toutes les libertés, la liberté sexuelle s’arrête à la frontière des libertés d’autrui. Quand une femme dit oui, c’est oui- quand elle dit non, c’est non. Il importe de rappeler le poids du non.

Je terminerai avec une pensée émue pour toutes les victimes de viol avec qui nous marquons notre solidarité et notre fraternité. Nous leur souhaitons, malgré leurs souffrances, de pouvoir demain goûter une part du bonheur.

Je vous remercie, et souhaite plein succès à cette journée.

Catherine François
Présidente de SOS VIOL
www.catherine-francois.be