Politique de l’immigration à la ville ? 

Intervention colloque du 15 novembre 2007
« y a t il une politique de l’immigration à la ville ? »

Je vous remercie de m’avoir invitée et je me permettrai de me présenter très brièvement : Je suis élue locale depuis 13 ans à Saint-Gilles, fondatrice et présidente de plusieurs associations actives sur le terrain local (centre culturel, logement social, choisir la communale) mais aussi dans le domaine de l’émancipation des femmes (SOS Viol, Espace P…;).

Je vous parlerai de ma Commune qui peut se prévaloir d’une expérience de cohésion sociale depuis maintenant vingt ans. Permettez moi de vous présenter rapidement la physionomie de Saint-Gilles : commune ouvrière, populaire et cosmopolite qui a accueilli par la localisation de la gare du midi une immigration importante depuis le seconde guerre mondiale où 120 nationalités cohabitent sur un petit territoire extrêmement peuplé. Des citoyens de toutes les origines et de toutes les cultures qui constituent ainsi 40% de notre population. Si on tient compte de la culture d’origine, des naturalisations récentes et des personnes en séjour illégal, c’est en réalité 60% de personnes d’origine étrangère que compteraient Saint-Gilles. Autant vous dire que c’est une vrai richesse. J’ajouterai encore que le revenu par habitant reste parmi le plus bas du pays ainsi que les recettes fiscales puisque la majorité des bâtiments et des terrains situées à Saint- Gilles sont exonérés du précompte immobilier.

Saint-Gilles s’est dotée d’un savoir-faire en matière d’interculturalité et de cohésion sociale qui en fait un modèle à bien des égards. Notre modèle s’articule autour de valeurs alliant tour à tour : Laïcité, Égalité et « bien vivre ensemble ». Concrètement, cela signifie que toutes les actions, tous les projets mises en oeuvre par les pouvoirs publics en partenariat avec l’associatif refuse l »immixtion du religieux dans les affaires de l’État, prône l’égalité des droits et des conditions et favorise le bien vivre ensemble. Cela signifie encore que nous refusons catégoriquement le communautarisme c’est-à-dire le développement séparé des cultures et des citoyens. Notre principe est, qu’au delà des histoires migratoires, des origines, des traditions religieuses, la diversité des folklores, ‘il nous importe nous, pouvoirs publics, de faire rencontrer les gens.

Nous croyons en la richesse des apports des uns et des autres, et nous pensons qu’il faut valoriser ces richesses en construisant ensemble un projet et un devenir commun. C’est ce projet commun qui crée la cohésion sociale c’est à dire le sentiment d’appartenance à un même groupe social, à un même territoire : Notre Commune.

Pour ce faire, nous avons tout misé sur la qualité de notre enseignement et sur l’émancipation de nos concitoyens notamment par l’accès à la culture. Il n’y a pas de liberté pour l’ignorant disait Condorcet. C’est par une politique sérieuse de l’instruction publique que nous pourrons réellement contribuer à l’excellence de tous les enfants, quelque soit leur origine sociale et culturelle, sans sélection élitiste. L’émancipation sociale et culturelle passe par le savoir et la connaissance. Nous avons dès lors favoriser la mixité sociale et culturelle de nos écoles, véritable outil de promotion sociale pour la classe ouvrière. Nous goutons les fruits de cette politique en voyant briller les carrières scolaires des plus grands.

L’interculturalité exige des politiques éducatives fortes mais aussi des politiques sociales et culturelles déterminantes. Parce que la culture et les projets qui en découlent font bouillonner le paysage de notre commune, nous avons développé un patrimoine d’équipements culturels exceptionnels, je pense évidemment au Centre Culturel Jacques Franck qui est un lieu populaire, coloré qui contribue à favoriser les rencontres, la fraternité, les échanges et le dialogue interculturel. Nous y favorisons toutes les initiatives qui développent la convivialité et l’expression artistique toutes disciplines confondues : chaque année, des centaines d’élèves, d’habitants, d’artistes et de collectifs associatifs s’y côtoient.

Nous venons d’inaugurer la Maison des Cultures pour offrir des espaces multiples d’expression des 101 cultures de notre commune, nous avons modernisé notre Maison du peuple afin qu’elle accueille des activités métissées pour les habitants de notre commune. Parallèlement, nous avons mis en place un espace cybernétique pour lutter contre la fracture numérique. Nous savons tous que la culture et la connaissance sont facteurs d’émancipation particulièrement pour les plus fragiles d’entre nous.

Pour construire ensemble un projet et une identité commune, nous avons une tradition très festive à Saint-Gilles. Nous organisons régulièrement des concerts sur la place publique, un cinéma en plein air, des fêtes interculturelles de quartier comme Saint-Gilles au Carré, les rues bloquées à la circulation pour les repas entre voisins, le Printemps à Bethléem, le Parcours de la convivialité, le Carnaval en couleurs et le Parcours d’artistes, ces moments forts qui rythme la vie locale sont autant de symboles fédérateurs entre les cultures que d’expérience unique de rencontre. Je terminerai cette énumération en vous parlant de la parade Zinneke qui est une fête populaire préparée pendant deux ans et qui emmène les habitants dans une aventure rocambolesque. C’est un exemple réussi de la rencontre inhabituelle entre des professionnels du monde artistique, les habitants et les élèves des écoles tous plongés dans une expérience folle et inoubliable qui va de la confection des costumes à l’apprentissage de chorégraphie pour un défilé jubilatoire un bel après midi de mai.

A coté de cela, nous accueillons un parterre associatif extrêmement dense qui fourmille d’idée et qui complète l’action du secteur public.

Nous avons aussi pour habitude de susciter la démocratie participative pour créer, entretenir et dynamiser la prise de parole collective. Même si ce n’est pas toujours facile à gérer pour les pouvoirs publics. Je pense au réunion de quartier organisée non seulement pour organiser un méchoui-compote mais aussi pour alimenter les commissions consultatives thématiques du sport, de la famille, de la personne handicapée, la culture mais aussi les commissions locales de développement intégré qui concerne la rénovation de quartier.

A coté de cela, nous n’avons de cesse que de lutter contre la dualisation des quartiers et de garantir la même sécurité pour tous en favorisant la mixité spatiale via la dispersion du logement social, du logement communal, ainsi que la mixification des activités au sein du centre sportif.

Il est de notre responsabilité de s’interroger sans cesse sur notre politique, de rendre de compte et de mettre en débat nos pratiques. Nous avons réaffirmé dans chacun des domaines de la vie locale notre volonté de construire une société métissée socialement et culturellement qui s’appuie sur l’Egalité, la laïcité et le « bien vivre ensemble ». Notre diversité culturelle résulte d’histoires collectives qui produit nécessairement un destin commun que nous tricotons chaque jour un peu plus ensemble.

Je vous remercie.