Grossesses non désirées.

Quelles stratégies en terme de prévention ?

Intervention au colloque des centres de planning familial du 28 avril 2003

Mettre un enfant au monde est l’un des moments les plus importants dans la vie. Ce moment porteur d’épanouissement, nous avons le devoir de le préserver en permettant à toutes les femmes d’éviter une maternité non désirée. Ce sont évidemment les femmes les plus fragiles – parce qu’elles sont jeunes, parce qu’elles sont issues de milieux peu aisés, d’origine étrangère – et bien entendu, celles qui sont à la fois l’un et l’autre, qui payent le plus chèrement cette épreuve.

On sait aussi qu’une grossesse non désirée peut hypothéquer lourdement l’avenir des femmes et particulièrement des jeunes.

Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics de multiplier les efforts et les contacts afin que la question de la contraception ne reste pas un tabou dans notre société. C’est pour cette raison que nous avons engagé, depuis 1999, une politique active en matière d’information, de soutien et de sensibilisation à la contraception au sens large du terme.

Nous avons lancé notamment à l’occasion des 10 ans de la loi de dépénalisation de l’avortement, une vaste campagne de sensibilisation à la contraception rappelant à tous l’existence du dispositif des centres de planning bruxellois. Il nous a semblé important de réaffirmer que la contraception était libre depuis 1973 et que l’avortement est un droit depuis 1990. Je peux faire miennes les conclusions de la Commission d’évaluation de la loi relative à l’IVG qui souligne  » la nécessité de poursuivre et d’améliorer les efforts fournis en matière d’information pour les adolescentes, aussi bien au sein qu’en dehors de l’école « .

Cette démarche est d’autant plus pertinente que le rôle des pouvoirs publics est bien de lutter contre les inégalités sociales en matière de contraception et d’I.V.G., comme en d’autres domaines. L’accès à la contraception est un enjeu qui vise l’amélioration des droits des femmes en leur donnant les moyens d’affirmer leur autonomie, leur liberté et leur responsabilité en matière de planification des naissances.

C’est aussi dans ce contexte que s’inscrit la question de la contraception d’urgence. Alain HUTCHINSON a eu l’occasion de s’exprimer de nombreuses fois sur des propositions politiques concrètes. Je pense notamment à l’accès facilité de la pilule du  » lendemain  » dont l’efficacité dépend de la rapidité de la prise.

Les chiffres publiés par la Commission d’évaluation montrent une légère hausse du nombre d’avortements en particulier chez les jeunes femmes. Vous savez mieux que moi que pour réduire le nombre d’interruption volontaire de grossesse, il faut assurer une meilleure prévention et faciliter l’accès à la contraception.
Pour ce faire, des politiques volontaristes ont été mises en place. Nous avons ainsi obtenu la délivrance sans prescription médicale de la pilule du lendemain. Dans les pays où celle-ci est délivrée facilement et rapidement, elle ne s’est jamais substituée à la contraception classique. Nous avons quelques exemples européens où les gouvernements ont pris des dispositions importantes en la matière.

En Finlande, par ailleurs où le taux de recours à l’IVG était particulièrement élevé dans les années 80, il a diminué de moitié au cours des dix années qui ont suivi la mise sur le marché de la pilule du lendemain.. Parallèlement, et c’est bien là que réside tout l’intérêt de cette délivrance, l’accès à la pilule du lendemain favorise l’efficacité de la politique globale en faveur de la contraception. Dans les pays où elle est disponible, elle n’a jamais diminué le recours à la contraception classique bien au contraire : les études le disent à l’unisson, plus l’accès à la contraception est libre, plus les femmes s’approprient la responsabilité de son contrôle. Par  » l’auto-prescription  » d’une contraception d’urgence, les femmes sont les véritables actrices de leur planification des naissances.

Tout ce débat ne doit évidemment pas occulter la prévention du SIDA et des maladies sexuellement transmissibles dans la mesure où ces préventions sont complémentaires et peuvent faire l’objet d’une politique préventive intégrée. Il importe de continuer les campagnes médiatiques massives qui permettent une prise de conscience chez les jeunes et en particulier chez les garçons.

Quant à l’éducation sexuelle et affective dans les écoles, Nous avons eu l’occasion de nous exprimer à plusieurs reprises sur l’importance d’une telle démarche. Si la sexualité relève de l’intime, elle est aussi un phénomène social d’immense ampleur qu’il y a lieu d’enseigner de manière claire, ouverte et progressiste. L’éducation sexuelle est une tâche trop complexe pour être assumée seule par les parents. Tous les parents ne sont d’ailleurs pas en mesure de l’assurer sereinement. Il importe que la collectivité se saisisse de cette question, chaque génération est solidairement responsable de la suivante. Nous avons donc inscrit comme priorité politique de la conférence interministérielle de la santé l’introduction de cours obligatoires d’éducation sexuelle dans les écoles dès l’enseignement fondamental. Les institutrices le savent bien, les petits garçons comparent leur zizi, certains veulent savoir comment les filles font pipi, et ces curiosités légitimes doivent être satisfaites par des réponses claires et explicites. L’école est le lieu adéquat pour dispenser une information précise sur le fonctionnement du corps humain, la procréation, la contraception et la nécessaire régulation des naissances. C’est certainement aussi fondamental que l’apprentissage de la trigonométrie ! Nous sommes tout aussi favorables à l’idée de responsabiliser les jeunes, les dispositifs socio-sanitaires mais aussi l’école pour dispenser le choix d’une méthode fiable de contraception tout en répondant à l’urgence des situations de terrain.

André Compte-Sponville a justement dit à propos de l’adoption de la loi Veil, en France,  » …nos concitoyens ont préféré la mesure, par nature relative, des risques et des inconvénients. C’était la bonne voie. Elle débouche sur une politique du moindre mal, de la moindre souffrance, de la moindre injustice, bref ce que j’appellerais volontiers une politique laïque : une politique de la solidarité « .

C’est avec ces paroles de sagesse que je voudrais conclure, en saluant la détermination des femmes et des hommes politiques qui ont soutenu et soutiennent encore ces combats progressistes. Ils ont marqué notre histoire politique et morale, et en particulier l’histoire des femmes.

Catherine François